Des scientifiques canadiens décrivent une espèce de rhinocéros éteinte dans le Grand Nord canadien


OTTAWA, Ontario, 28 oct. 2025 (GLOBE NEWSWIRE) -- Des scientifiques du Musée canadien de la nature annoncent la découverte et la description d’un rhinocéros disparu dans le Grand Nord canadien. Presque complet, le squelette fossile provient des sédiments fossilifères du cratère Haughton, sur l’île Devon au Nunavut. Il appartient au rhinocéros le plus septentrional connu.

Les rhinocéros ont évolué sur plus de 40 millions d’années. Leur histoire traverse tous les continents, sauf l’Amérique du Sud et l’Antarctique. Le nouveau « rhinocéros arctique » a vécu il y a environ 23 millions d’années, durant le Miocène précoce. Il se rattache étroitement aux espèces européennes ayant prospéré des millions d’années plus tôt.

L’article décrivant cette nouvelle espèce, baptisée Epiaceratherium itjilik [it-ji-louk], paraît aujourd’hui dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution.

« À peine cinq espèces de rhinocéros subsistent aujourd’hui, en Afrique et en Asie », explique Danielle Fraser, Ph. D., auteure principale de l’étude et paléobiologiste en chef au Musée canadien de la nature. « Ces animaux peuplaient autrefois l’Europe et l’Amérique du Nord où plus de 50 espèces surgissent du registre fossile. La nouvelle espèce arctique éclaire désormais l’histoire évolutive des rhinocéros. »

L’étude actualise l’arbre généalogique des rhinocérotidés. Elle démontre la migration de cette espèce arctique vers l’Amérique du Nord par un pont terrestre. Ce corridor aurait dispersé les mammifères terrestres bien après l’époque indiquée par les données antérieures.

À propos d’Epiaceratherium itjilik
Les rhinocérotidés présentaient des formes et tailles variées : certains ressemblaient à des hippopotames colossaux, d’autres restaient petits et dénués de corne. Epiaceratherium itjilik demeurait petit et svelte, de la taille du rhinocéros indien actuel, mais sans corne. Le spécimen arctique avait atteint le début ou le milieu de l’âge adulte : ses dents jugales montrent une usure modérée.

« Itjilik » signifie « givré » ou « gel » en inuktitut. L’équipe voulait honorer le foyer arctique du rhinocéros. Elle a donc consulté Jarloo Kiguktak, aîné inuit et ancien maire de Grise Fiord, communauté inuite la plus septentrionale du Canada. Kiguktak connaît bien les lieux : il a exploré les gisements fossiles du cratère Haughton et participé à plusieurs expéditions dans le Grand Nord.

Mme Mary Dawson, Ph. D., a récolté la plupart des ossements du rhinocéros sur le site du cratère Haughton en 1986. Cette conservatrice émérite du Musée d’histoire naturelle Carnegie a tracé la voie de la paléontologie arctique. Elle avait exhumé des éléments cruciaux — dents, mandibules, fragments crâniens — permettant à l’équipe du Musée canadien de la nature d’identifier un rhinocérotidé jusque là inconnu.

« Le rhinocéros arctique étonne par ses ossements remarquablement préservés », souligne Marisa Gilbert, paléobiologiste et coauteure au Musée canadien de la nature. « Ces ossements conservent leur forme tridimensionnelle et n’ont subi qu’un remplacement minéral partiel. Ils forment environ 75 % du squelette, une complétude exceptionnelle pour un fossile. »

Mme Gilbert a participé à plusieurs expéditions de recherche au cratère Haughton à la fin des années 2000, dirigées par Mme Natalia Rybczynski, Ph. D., associée de recherche au Musée canadien de la nature et coauteure de l’étude. Ces expéditions ont abouti à la découverte d’une autre nouvelle espèce : Puijila darwini, ancêtre transitionnel des phoques.

Des vestiges supplémentaires d’E. itjilik ont émergé lors des expéditions ultérieures dirigées par le Musée canadien de la nature, lorsque Dawson s’est jointe à Mmes Rybczynski et Gilbert pour prospecter le site de Haughton dans le prolongement des travaux de terrain de Dawson. Décédée en 2020 à l’âge de 89 ans, Dawson figure à titre posthume comme quatrième auteure de l’étude.

Histoire biogéographique
La présence de cette nouvelle espèce arctique a incité l’équipe de recherche à approfondir l’histoire évolutive et biogéographique des rhinocérotidés. La biogéographie étudie la manière dont les animaux et les plantes ont évolué et se sont dispersés au fil du temps.

Fraser et son équipe ont positionné la nouvelle espèce dans l’arbre généalogique des rhinocéros en étudiant la présence de 57 autres taxons de rhinocérotidés, presque tous disparus. Ces résultats proviennent de visites dans des collections muséales, de l’examen minutieux de la littérature scientifique et de l’utilisation de bases de données.

L’équipe a également situé chaque rhinocérotidé géographiquement dans l’une des cinq régions continentales. Le processus s’est avéré exhaustif : chaque espèce a été évaluée selon sa localisation, en recourant à une approche de modélisation mathématique pour déterminer les taux de dispersion entre ces différents continents au sein de la famille des rhinocérotidés.

L’analyse de l’équipe éclaire la manière dont les rhinocéros se sont dispersés pendant des millions d’années entre l’Amérique du Nord et l’Europe (via le Groenland), en empruntant le pont terrestre de l’Atlantique Nord.

Des études antérieures suggéraient que ce pont terrestre n’avait pu servir de corridor de dispersion que jusqu’à environ 56 millions d’années. Mais la nouvelle analyse intégrant Epiaceratherium itjilik et ses espèces apparentées révèle que les dispersions depuis l’Europe vers l’Amérique du Nord se sont produites bien plus récemment, potentiellement jusqu’au Miocène.

L’importance d’Epiaceratherium itjilik s’est confirmée en juillet 2025 dans un article publié dans la revue Nature : des protéines partielles scientifiquement pertinentes ont été extraites de l’émail dentaire de l’animal. Cette étude, dirigée par Ryan Sinclair Paterson, chercheur postdoctoral à l’Université de Copenhagen, repousse de plusieurs millions d’années l’échelle temporelle des séquences protéiques récupérables et porteuses d’informations évolutives. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude des protéines anciennes et leur application à la compréhension de l’évolution des mammifères.

« Décrire une nouvelle espèce constitue toujours un moment passionnant et instructif. Mais l’identification d’Epiaceratherium itjilik recèle davantage : nos reconstructions de l’évolution des rhinocéros démontrent que l’Atlantique Nord a joué un rôle bien plus crucial dans leur évolution qu’on ne le pensait », affirme Fraser. « Plus largement, cette étude réaffirme que l’Arctique continue de livrer de nouvelles connaissances et découvertes qui enrichissent notre compréhension de la diversification des mammifères au fil du temps. »

Le fossile d’Epiaceratherium itjilik repose dans les collections fossiles du Musée canadien de la nature, où il est conservé. La préparation des ossements fossiles pour l’étude s’est déroulée au Musée d’histoire naturelle Carnegie.

En savoir plus sur le cratère Haughton

  • Avec ses 23 km de diamètre, le cratère Haughton représente le site fossile miocène le plus septentrional connu. Le Miocène (environ 23 à 5,6 millions d’années) constitue une époque où de nombreuses familles de mammifères modernes se sont diversifiées et dispersées entre les continents.
  • Le cratère d’impact s’est rempli d’eau, créant un lac qui a préservé les vestiges de la flore et de la faune locales.
  • Le site a fait l’objet d’études approfondies pour ses caractéristiques géologiques ainsi que sa flore et sa faune.
  • Les données tirées des plantes fossiles révèlent que l’habitat abritait une forêt tempérée, en contraste frappant avec les conditions actuelles de pergélisol aride et froid.
  • Le gel et le dégel du pergélisol ont fragmenté les fossiles et rapporté les ossements à la surface, dans un processus nommé cryoturbation.
  • Les ossements d’E. itjilik ont été découverts sur une superficie d’environ cinq à sept mètres carrés.

À propos du Musée canadien de la nature
Le Musée canadien de la nature est le musée national d’histoire naturelle et de sciences naturelles du Canada. Il stimule notre compréhension et notre amour de la nature à travers quatre piliers essentiels : données scientifiques, partage des connaissances, engagement du public et émerveillement. Sa mission s’accomplit grâce à des recherches rigoureuses, à une impressionnante collection de 15 millions de spécimens, à des programmes éducatifs innovants, à des expositions exceptionnelles et à un site Web interactif, nature.ca.

Information pour les médias, incluant images et illustration du rhinocéros dans son habitat

Dan Smythe
Chef, Relations avec les médias
Musée canadien de la nature
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dsmythe@nature.ca


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